
Deux nouveaux instituteurs sont affectés au village : monsieur Roblès, comme directeur, et Roger Couvert pour s’occuper du C.P., CE1. Et C.E.2. Le premier nous était complètement inconnu tandis que Roger était un enfant de Turenne que nous connaissions bien. Pas de M’sieur avec lui ! Il devait avoir entre 18 et 20 ans : des études à Tlemcen, Pendant ce temps, il avait été le pion de Raymond. Il arrivait de Nemours, son premier poste. Pendant les vacances il revenait et nous racontait la vie de L’E.P.S, et il fantasmait beaucoup. La classe de Monsieur Roblès ; Le certificat
La classe du certificat:le départ pour Marnia

Monsieur Roblès, faisait plus sérieux : une carrure d’athlète , le tain mâte, les dents blanches, une calvitie naissante, un gros grain de beauté à la place de la fossette droite ,un sourire dissymétrique éclairait son visage, avec ses lunettes d’écailles, il inspiraient le respect, sans la blouse noire, il avait l’air d’un inspecteur. Ses mains poilues soulignaient force et détermination. Il arrivait de Renan
Les deux enseignants n’avaient rien en commun.
Madame Amouyal avait laissé du travail ; 8 redoublants au certificat d’étude, des sauvageons indisciplinés. Les 8 premiers jours ont suffit à notre instituteur pour nous faire admettre quelques règles de conduite, son organisation, et mesurer l’ampleur de la tache :
A. Les rangs : vous préparez l’ordre d’installation sur les bancs dès que la cloche sonne.
B. Les entrées : le travail a commencé ! silence !
C. les sorties : le travail n’est pas fini !
D. La récréation : stationnement interdit sous le préaux des cabinets, il y avait trouvé des mégots
E. Hygiène : vous amènerez un torchon, une brosse à dent, le premier par ordre alphabétique amènera un morceau de savon qui servira pour toute la classe
F. Le service : essuyer le tableau, prévoir 2 bâtons de craie, inscrire la date , vider la poubelle, remplir les encriers ,essuyer les tables, aérer la classe 5 minutes, fermer les fenêtres pour ne pas avoir froid , sonner la cloche !
G. Les sanctions : à genoux, à genoux les bras en croix, à genoux les bras en croix un dictionnaire tenu à bout de bras, et pour finir le pain sec.
H. Les récompenses : 0 fautes en dictée = un timbre de collection, le jeudi après midi, travailler à la pâte à polycopier, arbitrer les match de football et de pelote basque.
I. les responsabilités : bibliothèque : Sintas ; trésorier : Florès ; journal : Bélélé ; Jardinage : Rigail ; Douche : Parra ; matériel de sport : Martinez ; voyage : Corcuff ; Théâtre Couvert ; musique : il n’y avait pas le choix, il était le seul à jouer de l’accordéon Son nom m’échappe ? ? ? ? ? ? Album photo : Schwall ; poël : Galindo ; fournitures scolaires : Mr Roblès.
Roger Couvert en était bouche baie et donnait des signes d’essoufflement ?
Huit jours après la rentrée, Monsieur Roblès envoyait la vapeur et la locomotive se mettait en marche.
Morale : les gros mots : la Putain de ta Mère !
Après un inventaire complet des jurons les plus fréquemments employés, et nous avoir montré que la langue française possédait un synonyme pour chacun d’eux, il nous a écrit le mot Mère au tableau avec une grande majuscule. Ensuite, il nous a parlé de sa mère : veuve très jeune d’un maçon, malade d’un chaud et froid et la tuberculose a fait le reste ; obligée d’élever seule son fils en faisant des lessives pour gagner une misère : juste de quoi acheter du pain, des patates, du « bacalaou » pas tous les dimanches ! Et tous les jours, sardines au menu ; des pantalons retaillés dans ceux de son père qui n’en avait plus besoin là où il était. Les espadrilles effilochées. Il fallait économiser pour acheter les cahiers et les livres d’école. Refuser de se remarier pour ne pas imposer un parâtre à son fils. Ma mère n’était pas « ouna malla pouta « et celui qui osait l’insulter, je lui faisait payer très cher son offense, son injustice.
Toutes les mères sont aussi capables ! Réfléchissez ! Vous pensez qu’elles méritent qu’on les salisse les mamans ? Qu’on les traite de « pute » ?
La putain de ta mère a disparu de notre vocabulaire. Merci ! M’sieur !
La putain de ta race : Merci ! M’sieur !
La liste serait longue à développer maintenant, mais notre instituteur a pris son temps, il a gommé patiemment les salissures, nettoyé la cour de récréation des insultes infectes ; remis de l’ordre dans les consciences avec des mots, des mots qui font mal à ceux qui les reçoivent
Prochaine leçon : la calomnie…..
Prochaine : l’Alcool, le vin
Puis : Le tabac, la cigarette
Le tabac, la cigarette.
Un matin, après s’être installé à son bureau ; l’instituteur se mit à tousser, ensuite il a sorti un paquet de cigarettes Bastos, puis Il a passé en revue : la nicotine, le goudron, la fumée, l’oxygène, les poumons, le sport, les dents, le cœur, la circulation du sang. Tout çà agrémenté de quelques gravures horribles. Pour conclure, il nous a convaincu des effets néfastes du tabac en sortant du placard à cartes de géographie un document représentant un fumeur les yeux vitreux, la lèvre supérieure rongée par un gros bobo au travers duquel on pouvait distinguer qu’il n’avait plus de dents.
En fin, pour ne pas que ce travail reste lettre morte, il a accroché au mur de la classe le fumeur en face de l’ivrogne qui battait sa femme devant ses enfants installés à table devant des assiettes vides
Après la récréation, calculs appliqués du genre :
Un fumeur achète chaque jour un paquet de Bastos 1,30 francs,
Combien lui coûtera le bobo qu’il attrapera au bout de 25 ans (CM1) ?
Combien de kilos de viande sont partis en fumée sachant qu’elle vaut 7
Francs le kilo et qu’il y a 6 années bissextiles (certificat) ?
Les récréations.
Les ‘’ pignoles’’, les billes, la pelote fumée, la lecture, les sauts, la pelote basque, le jardinage, la photo, la lecture, constituaient avec le’’ foot’’et suivant les saisons les occupations prévues pendant les récréations. Nous étions libres, avec un responsable pour chaque activité. Le maître tournait d’un groupe à l’autre et nous étions ravis de le voir jouer aux billes avec nous, photographier les vainqueurs il enregistrait les scores pour le journal de la classe qui paraissait tous les quinze jours.
J’aimais les combats : Je me prenais pour le grand Maulns . Vu ma grande taille j’étais le cheval, François Sintas dit ‘Françoilou’ le cavalier : nous étions imbattables pour terrasser nos adversaires.
La bibliothèque, le jardinage.
François Sintas était le préposé à la bibliothèque : il enregistrait les prêts et encaissait le montant il était secondé par Lucien Florès : quelques sous percés ; il était très bon en calcul et très respecté malgré sa petite taille avec une écriture de secrétaire de mairie sa parfaite comptabilité lui valait les éloges du maître. Quand les rentrées le permettaient M. Roblès qui se rendait souvent à Tlemcen achetait quelques livres pour grossir le fond bibliothécaire.
Rigail, était le responsable du jardinage : son père agriculteur avait mis à la disposition de l’école des garçons une parcelle de terre labourée et fumée pour nous permettre de réaliser un magnifique potager : trois mois plus tard, nous vendions à nos parents de quoi cuisiner : le pot-au-feu, des pommes de terre rôties accompagnées de salades tendres comme la rosée, des artichauts à farcir : la ‘’cagnotte’’ grossissait à vue d’œil.
Le barrage de Béni-Badel
Notre ‘’ instit’’le lundi, nous racontait ses randonnées du dimanche avec des récits du genre : une histoire d’eau salée et de pénurie du précieux liquide à Oran ;Une affaire de houille blanche un projet qui devait donner à la population l’eau douce : la solution : le barrage de Béni-Badel : un travail de titan, un travail exécuté par des d’hommes dans l’Atlas et quels hommes : quelques uns y ont laissé leur peau en tombant dans le béton qui devenait leur sépulture. Car il était impossible d’arrêter la coulée .La poussière leur insufflait la silicose, le soleil et le froid la tuberculose ; la dynamite, les éboulements provoquaient des accidents graves.
Le ciment était acheminé par train, de la C.A.D.O.où il était fabriqué, à Médjahed ; les godets d’un téléphérique le transportait vers le barrage .Malgré l’interdiction, Les ouvriers utilisaient la ‘noria’ pour rejoindre leurs ‘douars’et leurs familles : le soir le téléphérique était stoppé et il arrivait que des malheureux passent la nuit dans les godets ou pire, le repos du dimanche à 20 mètres au dessus du sol sans boire ni manger prisonniers de l’engin.
Béni-Badel !un Eldorado !pas pour tout le monde; mais une source d’inspiration pour notre jeune instituteur qui obtint en 1943 avec le roman :’ Travail d’Hommes ‘le grand prix littéraire de l’Algérie. Le barrage y est pour chose
J’ai encore en mémoire la grande sortie que le Maître organisa. La cagnotte du jardinage de la bibliothèque et du théâtre servit à la location du car de Langlade pour nous conduire sur le chantier en chantant. Sur place la montagne résonnait du bruit des engins qui défonçaient ses entrailles.
Quelques années plus tard, ma mère m’offrit le bouquin je l’ai perdu, je l’ai cherché longtemps sans résultat. Au moment où j’écris ces lignes j’ai 76 ans et grâce à Danielle et Pierre de Rivas je peux le caresser. Merci chers cousins !merci Christian Puech !
La main à la pâte
Le jeudi après-midi E. Roblès invitait les plus méritants à :’ La main à la pâte’. Le travail consistait à reproduire des documents manuscrits ; je reconnaissais la belle écriture penchée du maître .Les textes étaient écrits au crayon à encre sur de grandes feuilles ; je connaissais bien ces outils car mon père les utilisait à la gare pour reproduire des documents. Dans une simple plaque à gâteaux garnies de pâte à polycopier, qui ressemblait au plateau des marchands de ‘ Calintiqua’, M. Roblès s’occupait de transférer son texte sur la pâte et nous étions chargés d’y appliquer délicatement des feuilles vierges sur lesquelles apparaissaient les écritures violettes ; il les classait au fur et à mesure dans des chemises. Aux vacances il devait porter ces papiers à Alger.
A l’heure du goûter, Madame Roblès nous servait un grand bol de café au lait accompagné d’un succulent biscuit de sa fabrication.
Avec le temps, compte tenu de la chronologie, de la date de publication de ‘Travail d’homme’, M. Roblès, avec des petits travaux d’enfants, a fait en sorte que nous devenions ‘ des Hommes’. Et probablement ses premiers collaborateurs bénévoles dans son projet de vivre de sa plume.
La pelote basque avec
Mme Roblès
Mme Roblès arriva à Turenne quelques semaines après la rentrée, elle était très pâle et convalescente ; je la voyais se reposer ; elle lisait au soleil dans le jardin mitoyen à la cour de récréation ; elle était très jeune et jolie Mr Roblès était aux petits soins avec elle.
Plus tard, après avoir mis en place les compétitions de pelote basque, il me désigna pour jouer avec sa femme afin de l’aider à se refaire une santé : le matin, avant la classe je devais jouer avec elle : elle se présentait en short ce qui me troublait au début. Puis elle reprit son travail à l’école des filles et le maître mit fin à mon plaisir : il conseillait à mon père de m’orienter vers les métiers du sport.
Mon père excellent gymnaste continua, longtemps après, à nous diriger Raymond et moi vers les salles de ‘gym’ où les barres parallèles, les anneaux, la barre fixe devenaient nos jouets favoris. Mes Parents avaient une grande estime pour ce Maître hors du commun qui nous a fait découvrir les « pélotaris et les chistéras » devant un fronton de fortune et les lectures ramenées du pays basque
Les Fables de la Fontaine , les lettres de mon mouln
Le Théâtre
Les récitations et surtout les fables de La Fontaine constituaient d’excellents exercices de vocabulaire, de dictions, de français, de morale, et surtout de découverte de la société ; M. Roblès organisa la classe en troupe de théâtre.
Pour une première : le Chat, la Belette, et le petit Lapin trouvèrent des interprètes aux physiques ressemblants aux animaux de la célèbre fable :C’est ainsi que le nez pointu de Couvert le désigna pour être Dame Belette ; que Sintas avec sa tête aérodynamique devint le Petit Lapin pas plus haut que trois pommes et je devais quitter le grand Maulns pour devenir Raminagrobis et endosser le manteau de fourrure de Mme Roblès....deux estrades superposée devenaient les tréteaux, et le bureau garni de petits rideaux,le terrier convoité par Dame Belette.
Aux trois coups, les rideaux frissonnaient, Couvert rentrait des coussins dans le palais du jeune lapin pendant que Sintas trottait sur l’estrade, ou broutait des feuilles de micocoulier fraîchement cueillies dans la cour de récréation
Alors, une voix anonyme attaquait la récitation :
_ Du palais d’un jeune lapin
Dame Belette, un beau matin
S’empara : c’est une rusée.
Le Maître étant absent, ce lui fut chose aisée......
Les antagonistes étant en place. Sintas retourne à son terrier sans oublier de faire un petit besoin à la manière d’un toutou : des spectateurs applaudissent !
Son terrier occupé, Sintas menace :
En tapant des pieds il entonne :
Ô dieux hospitaliers ! Que vois-je ici paraître ?...
Ô la, Madame la Belette,
Que l’on déloge sans trompette,
Ou je vais avertir tous les rats du pays...
Un sujet de guerre !on palabre, on menace
Tout y passe :- la loi du premier occupant !
je suis l’héritier !
taratata !
etcetera !
Sans crier davantage
Passons devant Raminagrobis le juge ! Un expert dans tous les cas. Un chat faisant la chattemite
J’entre en scène emmitouflée dans la fourrure de Mme Roblès, cachant mes griffes dans les longues manches du manteau ; je récite d’une voix tremblante :
-Approchez, approchez mes enfants, je suis sourd, les ans en sont la cause....
Les contestants s’approchent ; je jette des deux cotés mes griffes en rugissant et croque les plaignants.
La morale
Ceci ressemble fort aux débats qu’ont parfois
Les petits souverains se rapportant aux Rois
Prohaîne représentation : les animaux malades de la peste où j’interprétais le Roi Lion.
Notre répertoire au point, nous avons traversé la place du village pour donner quelques représentations devant les filles : que du bonheur !
La Dictée, le pain sec
Oui ! Dictée avec ses ‘Â Cotés’ : écriture, majuscules, minuscules, la ponctuation, les points sur les i, les accents, les accords, les doubles consonnes, les cédilles, les mots d’usage , les noms propres, les homonymes.....le tout chronométré. Et pour terminer les questions : définitions des mots et expressions, analyses grammaticales, analyses logiques....Un marathon avec à l’arrivée un coup de règle sur le bureau : Il fallait poser le porte -plume instantanément
la correction !
les résultats : la meilleure note : un timbre la semeuse 10 centimes
le second : un timbre la semeuse 5 centimes
Les sanctions : au dessus de 5 fautes recopier la dictée pendant la récréation.
: LES ENFANT ... sans s : je suis resté au pain sec
Sintas, chargé de mission au pré de ma mère est revenu avec un goûter que m. Roblès a remplacé par un solide croûton de pain que j’ai mangé en pleurant
Depuis ce jour j’ai gagné en concentration et j’ai obtenu le « Sacafitat » et bien d’autres examens ! merci ! M. Roblès.
2 commentaires:
Can you add some more photos?
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Bonjour...
Je viens de lire votre blog, et je l'ai trouvé magnifique....J'avais entendu parler d'AIN SEFRA par ma maman dont le frère LAURENT PENALVA né en 1924/25 a été aux PERES BLANCS aussi...
Moi même je suis à la recherche de la famille BOCASSIN qui tenait un Café, café qui a été repris après par la famille LEVY que je recherche aussi..
Avez-vous de leurs nouvelles ?
Merci pour tout ce que vous avez écrit, où une note de tristesse apparait mais où l'humour domine aussi...
AMITIES.
RENEE CARCELES
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