mercredi 9 juillet 2008

30-6. La buvette à Mohan

Mohan, infirme de la bosse du commerce, comme la plupart de ses coreligionnaires, installa sur le quai de la gare un débit de boisson, dans un W C désaffecté. Il y débitait du gros rouge que les soldats de passage lui achetaient 30 sous le litre. Cela leur permettait d’oublier la guerre. Il y avait en permanence un train en gare : Turenne était une gare de croisement, sur la ligne Oran Oujda.
Comme Mohan s’occupait d’avantage de sa buvette que du panier de l’intérimaire, pépé Camille du mettre de l’ordre dans son programme de, vu que le dit panier manqua plusieurs fois le train de 11 heure : il lui envoya deux taloches et un grand coup de pied au cul, qu’il en perdit son turban de Maharaja. Ce fut le moment de découvrir une gale chronique qui rongeait son cuir chevelu et ses oreilles.
Mohan ne perdit pas le Nord : il embaucha du personnel, et acheta pour une poignée de figues, un bourricot et un choiri.
Et qui il embaucha ? D’abord Raymond, puis moi-même. Nous étions chargés de servir les soldats. Mohan assurait l’approvisionnement en vin tel une « noria » : les bombonnes descendaient vides jusqu’à la cave coopérative et remontaient pleines vers la buvette. Il nous récompensait en nous payant le cinéma, et en nous prêtant son âne pendant les heures creuses.
Le standing de Mohan allait en s’améliorant, d’autant plus qu’il étendit son commerce aux cigarettes Bastos et aux savonnettes de contre Bande.
Ce commerce improvisé dura jusqu’à la bataille de Narvik et continua jusqu’au moment où les stukas déferlèrent sur la Belgique : le front se tournait vers l’ouest : Les convois ne sortaient plus d’Afrique par Casablanca, mais par Oran, Alger, Bizerte, direction la ligne Maginot ; et les trains se croisaient toujours à Turenne à la grande joie de la petite main qui manipulait de grosses liasses de billets.
La guerre ne devait être qu’une formalité ; Avec leurs empires coloniaux, leurs marines, le lebel, nous allions donner une leçon aux Boches, les Anglais et les Français ne feraient qu’une bouchée d’Hitler et de ses casques à pointe : les Chleuhs comme les appelait mon grand-père.

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