samedi 14 juin 2008

25- Turenne dernier départ pour aboukir

En septembre 1938, un soir, à l’heure du souper, alors que mon père était en intérim, un gendarme appela sous la fenêtre de la salle à manger :
Bonsoir madame !Vous êtes bien madame Martinez Camille née Jeanne Roquefère ?
Oui monsieur ! Qu’y a-t-il pour votre service ?
J’ai un message d’Aboukir pour vous ! Madame Pauline Roquefère est décédée, elle sera inhumée demain à 16 heures

Le lendemain, à 7 h 30, ce fut notre dernier départ pour Aboukir. Derrière la fenêtre du train qui nous emmenait, le regard ailleurs mon esprit vagabondait ou même divaguait :
Alors on ne verrait plus Mémère, on n’entendrait plus :
Où sont mes poulets ! Venez mes petits ! On n’aurait plus les caresses, les baisers qu’elle seule savait nous donner, sur ses genoux, dans ses jupons, dans son lit, contre son cœur.
Ce n’était pas vrai, pas possible, c’était une erreur ou un cauchemar, ou bien le gendarme s’était trompé.
A Oran nous changeâmes de train ; Comme autrefois, le train du sud nous conduisit jusqu’à la Macta ; Eugène Blain avec robert Bichet nous y attendaient avec l’automobile de Pépère : la Citroën C 4 .
-Jeannette ! Jeannette ! Je suis venu te chercher avec Robert, descends avec les enfants, passe moi ta valise.
Arrivée à Aboukir au milieu de l’après – midi. Le café- hôtel- restaurant de la gare était fermé nous n’avions jamais vu çà, les canaris ne chantaient plus : ils avaient entamé une longue nuit de tristesse , on chuchotait par petits groupes, on s’occupait de nous avec beaucoup de bienveillance ; mais quel vide quel silence dans ce café si animé à l’heure de la belote et de l’anisette ; une odeur de sacristie et d’encens flottait dans l’air ; où était l’odeur de la quémia , des escargots au cumin que mémère mijotait dans sa cuisine .elle nous les faisait goûter en cachette parce qu’ils piquaient trop pour les enfants
Surtout ne le dites pas à maman !

La terre se referma sur notre Grand-mère. Une montagne de fleurs témoigna de ses nombreuses amitiés . Au portail , a la sortie du cimetière, on nous rangea en ligne pour les condoléances. Ce fut long et pénible. Les yeux rouges de ma mère et son mouchoir témoignèrent de sa douleur : elle n’entendrait jamais plus sa mère l’appeler : - Nini ! ! !
Le point final des funérailles fut mit par les deux fossoyeurs quand ils tirèrent les deux battants noirs du portail . Il résista , grinça interminablement , déchirant nos cœurs pour toujours . La serrure aussi fit de la résistance refusant d’enfermer Pauline . Demain , je viendrai avec la burette d’huile dit l’un des fossoyeurs.