Nous étions turbulents, et pour récompenser les moins bougeurs, Georgette attribuait aux plus sages, aux plus méritants, un galet de Lourdes : elle allait chercher les bonbons dans la sacristie, les distribuait au compte goutte. La jolie boite décorée de fleurs, et surtout son contenu, excitaient notre convoitise. Un sentiment d’injustice nous étreignait quand Georgette retournait dans la caverne d’Ali Baba planquer son trésor ; et bien entendu, un commando organisa un casse sur les friandises de Georgette :
Marcelin Facoundo détenait les clés de l’église puisqu’il était chargé de l’angélus et qu’il se destinait au séminaire. Ces responsabilités ne lui donnaient aucune autorité sur nous, il avait notre âge ! Alors, un jour, pendant qu’il carillonnait l’angélus de 6 heures, deux équipes se partagèrent le travail, l’une faisait diversion, l’autre investissait la sacristie : miam-miam les bonbons.
Georgette fit son enquête !
Le coupable ?
Les absents ont toujours tort !
Raymond qui était pensionnaire à l’E.P.S. à Tlemcen était le coupable idéal, Georgette eut vite fait de nous confondre, elle nous tira du purgatoire et nous jeta en enfer. Le plus difficile fut d’aller à confesse et de trouver les mots pour demander l’absolution à l’abbé François.
Le jeudi après midi, Raymonde Cassé nous apprenait des bouts de messe en latin, des cantiques, en présence des filles. L’ambiance alors changeait. Le cœur de chacun battait pour sa chacune. C’était l’occasion de faire le beau, le gentil : la mixité avait ses avantages. On reluquait la travée des filles espérant un regard, un sourire. Les plus hardis échangeaient des billets doux : on y trouvait le plus souvent un cœur dans lequel s’entrelaçaient nos initiales. Jeannot Bontaz et Raymond Martinez étaient en compétition pour la conquête d’Hermine Florès, mais celle-ci les ignorait. Ils se battaient à pure perte.
Nous fîmes la communion en culotte courte car les costumes coûtaient trop cher. L’évêque d’Oran se déplaça pour la Confirmation : devant L’autel, nous prononçâmes notre serment en ces termes :
« Je renonce au démon, à ses pompes et à ses œuvres
Je m’attache à Jésus, à Marie pour toujours »
Il y eu un petit lunch. A cette occasion et pour la première fois, je fis connaissance avec la griserie des boissons alcoolisées. Je me suis aperçu de rien ! En fait, je bafouillais des réponses incohérentes à ma mère qui s’inquiétait de voir ma tête rouler sur mes épaules :
Mais il est saoul ! qu’est ce que j’ai fait au Bon Dieu ?
Elle me frictionna avec de l’eau de Cologne et m’envoya au lit.
L’évêque rembarqua dans une berline noire avec sa suite empressée et froufroutante au milieu de la foule qui n’en finissait pas de baiser sa bague et de se prosterner en génuflexions
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